L’Armée du Salut entreprit son œuvre au Canada en 1882, quinze ans seulement après la création de la Confédération, et se mit rapidement à l’œuvre pour donner de l’espoir aux personnes dans le besoin, autant à l’échelle nationale qu’internationale.
Les premières « réunions » en plein air, ou services du culte, eurent lieu à Toronto en janvier 1882 et, cinq mois plus tard, à London, en Ontario. Ces services étaient célébrés par des immigrants britanniques qui avaient connu l’Armée du Salut dans leur pays d’origine. C’est en juillet de cette année-là que l’Armée commença officiellement ses activités, lorsqu’un officier américain, le major Thomas Moore, en prit le commandement. Il y avait alors, en Ontario, onze « postes » ou congrégations. Un an plus tard, le Canada devenait un « territoire » indépendant, responsable de sa propre administration au sein de l’organisation mondiale.À Montréal, l’Armée du Salut a débuté son oeuvre dès 1884.
Dès ses débuts, l’Armée du Salut au Canada adopta la philosophie de son fondateur, William Booth, qui se résume ainsi : « À quoi bon prêcher le salut aux affamés ? ». C’est à ce moment que prit naissance le concept de « soupe, savon et salut », qui se modifia avec les années pour devenir le programme complet de services sociaux de l’Armée du Salut. Aujourd’hui, un grand nombre de ces services sont offerts en partenariat avec le gouvernement.
William Booth était un ministre méthodiste dissident qui mena jusqu’à leur aboutissement logique ses affinités avec la doctrine de Wesley et l’ordre de Christ de « faire paître ses brebis ». Fondé en 1865, dans les quartiers pauvres de Londres, sous le nom de « Mission chrétienne », le mouvement fut rebaptisé Armée du Salut en 1878, pour refléter la structure de plus en plus militaire qu’il avait adoptée. C’est sous cette forme que, quatre ans plus tard, l’Armée s’implanta au Canada. Depuis, sa croissance comme église et organisme de services sociaux a suivi l’évolution de la société canadienne.
Dans les premiers temps, l’Armée du Salut et ses méthodes suscitèrent beaucoup d’opposition de la part de politiciens municipaux et d’autres intérêts bien établis. Les salutistes étaient souvent battus et emprisonnés pour les activités qu’ils tenaient dans les rues des villes et des villages du Canada. Malgré cela, le mouvement fut éventuellement accepté lorsqu’il démontra les bienfaits sociaux qui découlaient de ses activités. Le travail social auprès des hommes débuta en 1890 avec l’ouverture d’une maison de transition pour anciens détenus, à Toronto. La même année, un foyer pour enfants fut créé. Le premier centre d’hébergement pour femmes enceintes, précurseur des hôpitaux Grace de l’Armée du Salut, fut ouvert à Saint John, au Nouveau-Brunswick, en 1898. En 1901, l’Armée du Salut proposa au gouvernement fédéral l’adoption d’un programme de probation qui donna naissance au premier programme de libération conditionnelle du Canada. En 1908, un programme de récupération (aujourd’hui appelé service de recyclage) fut mis sur pied à Toronto, ouvrant ainsi la voie à la création des magasins d’occasions bien connus. En 1911, le premier centre de détention pour jeunes délinquants fut établi au Manitoba. Sa gestion fut confiée à l’Armée du Salut. La même année, une colonie agricole voyait le jour à Coombs, en Colombie-Britannique.
Le statut de l’Armée du Salut fut officialisé en 1909, lorsque le Parlement canadien édicta une loi qui accorda à l’organisme une capacité juridique. Sa direction fut confiée au Conseil de direction de l’Armée du Salut au Canada, qui remplit ce rôle encore aujourd’hui. Dans les premières années, le territoire du Canada était dirigé principalement par des officiers (membres du clergé) britanniques et américains, mais à partir de 1903, l’ouverture d’un collège de formation centralisé à Toronto permit aux salutistes canadiens d’accéder davantage aux postes de direction.
En 1914, l’Armée du Salut fut touchée de près par la tragédie nationale du naufrage de l’Empress of Ireland, dans le fleuve Saint-Laurent. Le navire transportait plus de 120 salutistes, en route vers Londres, où ils devaient participer à un congrès international. La plupart d’entre eux, y compris le dirigeant national et les membres de la fanfare de l’état‑major canadien, périrent. C’est seulement en 1969 que la fanfare de l’état‑major canadien s’est reformée.
La participation du Canada à la Première Guerre mondiale donna lieu à la nomination du premier officier de l’Armée du Salut au poste d’aumônier dans les Forces canadiennes, ainsi qu’au don de cinq ambulances motorisées aux troupes en service outre‑mer. À la fin de la guerre, l’Armée du Salut établit des centres d’hébergement à Winnipeg, à London, à Kingston, à Toronto et dans d’autres villes, à l’intention des soldats qui revenaient du front.
L’aptitude exceptionnelle de l’Armée du Salut à répondre aux besoins urgents s’est manifestée de façon concrète lors de l’explosion dans le port d’Halifax en 1917 et les inondations à Winnipeg. On a pu y constater l’ingéniosité, l’utilisation efficace des ressources et le don extraordinaire de l’Armée pour l’improvisation, que favorisait la structure quasi militaire de l’organisme. De plus, l’Armée du Salut démontra ainsi au gouvernement que dans la plupart des cas, elle était capable d’agir plus efficacement que les autres organismes, et à moindre coût. De ce fait, un sentiment de confiance se développa entre les Canadiens et « Sally Ann ». Cette confiance règne encore aujourd’hui.
L’innovation en matière de services sociaux se poursuivit même avec l’expansion de l’organisme. Le premier foyer pour personnes âgées (Eventide Home) fut fondé à Edmonton en 1926, tandis que les hôpitaux Grace et des centres d’hébergement pour mères célibataires ouvraient leurs portes dans les villes importantes du pays.
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, les officiers de l’Armée du Salut accompagnèrent les Forces canadiennes outre‑mer, non seulement en qualité d’aumôniers, mais comme administrateurs des Maple Leaf Clubs, où les troupes pouvaient se reposer et se distraire. À la fin de la guerre, on comptait des clubs en Allemagne, en Angleterre, en France, en Belgique, en Hollande et en Inde, où travaillaient en grande partie des Auxiliaires de l’Armée du Salut, dont certaines avaient à peine 20 ans. On s’y sentait un peu comme à la maison : on pouvait manger des plats typiquement canadiens, faire suivre son courrier, participer à des activités sociales, y compris la danse, et se loger provisoirement. À la fin du conflit, dans les ports canadiens, les salutistes accueillaient les « épouses de guerre » des militaires de retour de l’étranger.
Une fois de plus, le rayonnement de l’Armée du Salut et celui de la société canadienne se produisirent parallèlement, en raison de l’arrivée de « néo‑Canadiens » dans les années d’après-guerre. Au fur et à mesure que le tissu ethnique et culturel se modifiait, on voyait se transformer les effectifs de l’Armée. L’image des congrégations de l’Armée composées presque exclusivement de personnes de race blanche et anglophones n’avait plus sa raison d’être, puisque le Canada est l’un des pays les plus cosmopolites du monde, particulièrement dans les grandes villes. Aujourd’hui, les salutistes canadiens célèbrent officiellement le culte dans onze langues, et offrent des services dans plusieurs autres. Après la guerre, d’autres services sociaux novateurs furent mis en œuvre, y compris un centre de prévention du suicide ainsi que des programmes d’aide aux victimes et aux témoins, qui ont par la suite été annexés au système de justice pénale.
L’Armée du Salut au Canada a formé de nombreux dirigeants exceptionnels qui se sont illustrés, non seulement sur la scène nationale, mais aussi à l’échelle mondiale. En 1975, Clarence Wiseman a été élu général (dirigeant international) de l’Armée du Salut. Arnold Brown lui a succédé en 1977. En 1993, Bramwell Tillsley a été nommé général, mais il a dû se retirer l’année suivante, en raison de troubles de santé. Le délégué actuel de l’Armée au Conseil œcuménique des Églises est canadien.
Aujourd’hui, l’Armée du Salut est le plus important fournisseur de services sociaux au Canada après le gouvernement. Jour après jour, elle s’efforce de donner de l’espoir et du soutien aux personnes les plus vulnérables de 400 collectivités canadiennes et de 118 pays. En outre, l’Armée offre une aide concrète aux familles et aux enfants en pourvoyant aux nécessités de la vie, en fournissant des refuges aux sans‑abri et en offrant des programmes de traitement de la toxicomanie aux personnes qui ont développé une dépendance.
L’Armée du Salut au Canada compte maintenant 915 officiers d’active (membres du clergé), plus de 23 000 soldats (membres de la congrégation) et près de 48 000 adhérents, c’est-à-dire des personnes qui reconnaissent l’Armée comme leur confession, mais qui ne sont pas membres officiels. On dénombre environ 311 postes (églises) et plus de 330 établissements de services sociaux de divers types. En plus de ses milliers de bénévoles, l’Armée compte près de 9 000 employés dans le territoire du Canada et des Bermudes. De plus, 55 officiers et travailleurs laïques canadiens servent à l’étranger, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à l’Afrique du Sud.